
Voyage au cœur des quartiers asiatiques de Paris
15/01/2023
Liqueur du pendu
15/01/2023Anituavau Landé, le prince des cuisines
Enfant, Anituavau Landé jouait dans Le prince du Pacifique aux côtés de Thierry Lhermitte. Au fil des années, son décor préféré est devenu celui des cuisines de restaurants. À 34 ans, Anituavau Landé est chef exécutif de quatre restaurants de la place : le Meherio, l’Urban café, Jimmy à Pape'ete et le Pai à Puna'auia.
La cuisine, vous êtes tombé dans la marmite enfant ou c’est venu par hasard ?
« Plutôt par hasard et c’est devenu une passion. J’ai passé mes dix premières années à Hiva Oa, mon père est franco-marquisien et ma mère marquisienne. Je suis ensuite venu à Tahiti à la presqu’île. J’étais au collège de Taravao et l’école, ce n’était pas trop pour moi. J’étais assez turbulent. Des amis sont allés au lycée hôtelier de Tahiti, j’ai fait comme eux, je les ai suivis et je me suis inscrit en BEP Cuisine. Pour me faire de l’argent de poche, j’ai commencé à faire des extras le samedi à l’Intercontinental. En sortant de mon BEP, à 18 ans, j’ai eu mon premier contrat, j’ai été embauché comme 3e commis de cuisine. »
Où avez-vous fait vos armes ?
« J’ai eu la chance là-bas d’avoir comme mentor le chef de l’Intercontinental, Cyril Alonso. Il m’a pris sous son aile et m’a beaucoup appris. Il est très carré, très à cheval sur l’hygiène, il m’a appris à gérer les plannings, les extras, les commandes. Les trois dernières années passées à l’Intercontinental, j’ai été promu responsable des banquets, je m’occupais des banquets de mariages, du mini Heiva. J’ai vraiment fait mes armes là-bas. Ensuite, j’ai été embauché comme chef de partie au Vaitohi au Manava (ndlr : appelé depuis Te Moana Tahiti Resort) avec le chef Bertrand Jeanson. C’était un semi gastro. J’y ai découvert des produits que je ne connaissais pas forcément, qui venaient de France, comme le turbo, les topinambours, les salsifis… C’était une cuisine différente de celle que je connaissais, plus épurée avec moins de décoration que ce que j’avais vu auparavant. Une cuisine marquée par la recherche des saveurs. J’y suis passé sous-chef junior. Puis je suis parti comme chef de partie au Kia Ora à Rangiroa ; j’allais au travail en bateau, c’était cool. J’y ai travaillé avec Yvonnick Lenoir. Petit à petit, j’ai commencé à créer mon style de cuisine. »
En quoi consiste votre job de chef exécutif ?
« Je suis responsable des cuisines des quatre restaurants. J’ai un référent pour chacun des restaurants. Je m’occupe notamment des commandes, de l’hygiène des restaurants, des entretiens d’embauche du staff et des menus des cartes. En ce moment, on travaille sur la carte du Urban, bientôt, on va refaire celle du Jimmy. Il faut que je me détache de mon style pour me positionner sur chaque style de cuisine des différents restaurants. Chacun a son style, la clientèle n’a pas forcément les mêmes attentes. »
Justement pouvez-vous nous parler de votre style de cuisine ?
« Je mets beaucoup de produits locaux, je veux mettre en valeur les produits d’ici. Cela va avec mon ADN, je sais d’où je viens, j’aime ma Polynésie, les Marquises. Je fais de la danse tahitienne, de la musique. J’ai eu aussi l’occasion de travailler avec des chefs étoilés français comme Marc Haerbelin de l’Auberge de l’Ill. J’aime faire des alliances de cuisine française, polynésienne, j’aime aussi les saveurs asiatiques. »
« J’associe les saveurs et textures dans la tête »
Vous avez refait la carte du Meherio il y a plusieurs mois avec, notamment, plusieurs plats signatures ? Comment crée-t-on un plat ?
« Avec l’expérience, j’ai déjà tout dans ma tête. Dans chaque plat, j’aime qu’il y ait un produit local. J’associe les saveurs et textures dans la tête, j’imagine le plat. Ensuite, je couche mes idées sur papier et je fais des essais juste pour finaliser les détails. J’adore revisiter des plats et associer des produits différents, à l’image du tartare de bœuf sur la carte. Je n’ai pas mis d’œuf comme pour un tartare classique, mais du foie gras, c’est lui qui va jouer le rôle de liant. J’ajoute de l’huile de truffe, je ne mets pas de cornichon, ni de capres, mais des pickles de légumes qui apporteront l’acidité. Le plat a les saveurs, la texture que l’on retrouve dans un tartare classique, mais il est revisité. Je n’ai pas envie de rester dans le classique que tout le monde peut faire. J’aime apporter ma touche, mon petit grain de folie. Les gens aiment bien cela. Mes ravioles de korori sont là depuis le début, c’est devenu un classique de la carte. J’ai fait des gnocchis de ’uru, des espumas de taro… »
Qu’est-ce qui est important pour cuisiner un bon plat ?
« Avoir des bons produits. Je fais très attention. Pour le bœuf, je ne vais prendre que des filets, pour le thon, je prends du rouge. Quand le produit est bon, il n’y a pas besoin de beaucoup d’autres choses : un bon assaisonnement, une bonne association de saveurs. Parfois, il faut oser aussi. »
Que cuisinez-vous pour les réveillons de fin d’année ?
« L’an dernier, j’avais fait un Surf and Turf, un mélange de viande et de produits de la mer, du poisson, des crustacés… Pour cette année, cela va dépendre aussi des produits que l’on aura. J’aime bien cuisiner les classiques de la cuisine française, le foie gras, le saumon, le magret. »